Pieds nus - GONG Juill-Sept 2015

pieds nus
effleurer les nuages
de flaque en flaque

Christiane Ranieri

deux pêcheurs
yeux rivés sur le bouchon
le temps s'écoule

Danièle Duteuil

GONG N°48 Juillet-Septembre 2015 — page 60
AFH - Association Francophone de Haïku

 

 

Commentaire "Coup de " par André Marceau, "l'Art de vivre":

Un haïku dans lequel on retrouve l'esprit, ainsi que les éléments qui fondent le genre traditionnel, mais qui parvient à le renouveler en l'enracinant dans le territoire, la culture et l'époque d'adoption, activera certainement mon plaisir de lecteur.

Aussi, nulle métaphore ne vient parasiter les deux haïkus ci-haut. L'humain (et ses émotions) n'est pas le sujet au centre du haïku. Le kigo, quant à lui, s'il n'apparaît textuellement, se laisse deviner : avec la pêche (la saison de la pêche - l'été) ; ou les flaques d'eau suggérant une saison chaude. L'ordre du cosmos (infiniment grand) émerge au sein du petit détail extrait de l'expérience quotidienne : le "temps", "les nuages". A peine suggérée, la nature est pourtant également au coeur du premier haïku, puisque se nourrir est notre premier mode de relation avec elle.Les deux pêcheurs, en position d'attente, nous rappellent cette condition existentielle, et la chute, "le temps s'écoule", une réalité incontournable de notre nature : le temps nous dévore.Par ailleurs, l'imagination est sans contredit ce qui aiguillonne notre relation au monde et nous lie à  son immensité. Elle nous permet de nous jouer de nos perceptions, de les spiritualiser. Les pieds nus, tâter le lien intime (cyclique) qui, bien qu'invisible, existe entre la flaque d'eau et le nuage.

Chacun de ses deux haïkus ouvre une fenêtre au panorama de sa réalité particulière, dans la brièveté et la simplicité, touchant différement nos sensibilités propres.

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